American Fable
Gitty vit dans la ferme familiale avec son père travailleur, sa mère enceinte (Marci Miller) et un frère aîné Martin (Gavin MacIntosh) dont les « taquineries » envers sa jeune sœur relèvent plus de la cruauté psychopathique qu’autre chose. Nous sommes dans les années 1980 : Reagan passe à la télévision, et la crise agricole catastrophique du Midwest, où les entreprises se sont précipitées pour saisir les fermes familiales saisies, est l’air que respire la famille. Gitty absorbe l’anxiété de ses parents, observant à travers les portes leurs disputes explosives. Une femme mystérieuse (Zuleikha Robinson), portant de longs gants de cuir noir et coiffée comme Betty Grable, s’approche du père de Gitty à la foire du comté et lui parle en privé. Son père semble connaître cette femme. Des forces obscures se rassemblent. L’unité familiale est menacée. Gitty n’a pas beaucoup d’amis, mais ce n’est pas grave, elle a son poulet (appelé Happy), et une appréciation de la vie aux grands yeux. C’est une enfant curieuse. Lorsque son père lui dit de ne pas s’approcher d’un silo abandonné au bord d’un champ, elle ne peut s’en empêcher. Elle se faufile dehors pour enquêter et trouve un homme enfermé à l’intérieur. Comme le film est entièrement tourné du point de vue de Gitty, avec très peu d’écarts, il n’est pas évident au début que l’homme dans le silo soit réel ou non. Il lui murmure instamment de le laisser sortir. Il lui dit qu’il lui accordera tout ce qu’elle souhaite si elle l’aide. Il est à la fois le troll sous le pont et le génie/père spirituel. Son désespoir est palpable. Il est joué par le merveilleux Richard Schiff, et au fur et à mesure que l’histoire de cet homme est révélée, que Gitty se rapproche de lui lors de ses visites secrètes, il fissure les ténèbres au cœur de sa famille, les troubles profonds qui menacent de les déchirer tous, de les faire tomber.
Hamilton, et le directeur de la photographie Wyatt Garfield, inondent le film de bizarrerie, de beauté, d’ombres et de couleurs profondes, d’angles de caméra angoissants, le surréel s’infiltrant dans le quotidien. (Hamilton a fait ses armes en faisant un stage pour Terrence Malick pendant « Tree of Life ». Elle fait preuve d’une sensibilité similaire à la nature, aux différents types de lumière). Même au début, avant l’homme dans le silo, avant la femme dans les gants, il est évident que rien ne va plus dans ce monde. Un banal dîner de famille est chargé de tension, la caméra surgissant de sous la table. Dès le premier plan du film, montrant Gitty se frayant un chemin à travers les rangs de maïs, « American Fable » annonce ses intentions. C’est une « fable », après tout. Un petit enfant se heurte à des forces aussi intimidantes et unifiées que ces tiges de maïs qui s’étendent à perte de vue. Le sentiment d’effroi de Gitty se manifeste tout autour d’elle. Une mystérieuse silhouette sur un cheval noir est aperçue aux horizons proches, traversant les champs, tournant autour de la maison. Quelque chose se prépare pour cette famille. Peut-être que cette famille l’a elle-même provoqué. Le concepteur de la production, Bret August Tanzer, a fait de la ferme un espace terrifiant et magnifique. Les murs sont d’un vert profond, les meubles sont rouges, la nuit entre par les fenêtres, froide et bleue. Ce n’est pas une ferme américaine ordinaire. C’est un paysage de cauchemar émotionnel.
La jeune Peyton Kennedy est une révélation. Lorsque son père lui raconte une histoire pour s’endormir (elle en demande une effrayante), elle l’écoute avec engagement et humour, le pressant entre les phrases avec de petits commentaires et des rires, et son comportement est si naturel qu’il enracine ces scènes – et cette relation – dans le monde réel, par opposition à une version sentimentalisée que nous avons tous déjà vue. Au cours du film, Kennedy, qui est présente dans chaque scène, doit passer de l’innocence à l’expérience, de l’oubli à la connaissance. Elle donne une performance adulte dans sa compréhension de ce douloureux arc de passage à l’âge adulte.