Ansa pancreatica : une cause rare d’épisode aigu récurrent dans la pancréatite chronique

Discussion
Section :

Le système canalaire pancréatique normal comprend le canal ventral connu sous le nom de canal de Wirsung et le canal dorsal également connu sous le nom de canal de Santorin, ils fusionnent dans la tête du pancréas. La plupart du drainage se fait par le canal de Wirsung vers la papille majeure tandis qu’une petite partie de la sécrétion pancréatique est drainée par le canal de Santorini à travers la papille mineure2,4.

Au cours du développement embryologique, la fusion des deux canaux se produit vers 6 à 8 semaines de gestation,2,4 mais une fusion anormale des canaux peut provoquer de nombreuses variations anatomiques des canaux pancréatiques, comme l’ansa pancreatica.

En 1961, Dawson et Langman ont été les premiers à décrire l’ansa pancreatica dans la littérature comme une oblitération du canal de Santorini à l’endroit où il rejoint le canal de Wirsung.5 La fusion des deux canaux est remplacée par une boucle reliant la branche inférieure du canal dorsal et la branche inférieure du canal ventral. La communication dans le duodénum via la papille mineure ou majeure n’est pas toujours patente, ainsi le drainage des sécrétions pancréatiques n’est pas permis librement.5,6

Adibelli et al ont établi une étude en Turquie, incluant 1158 patients qui ont subi une MRCP dans leur institution. Ils ont conclu que seulement 1,2% étaient définis comme ansa pancreatica.7 Une autre étude japonaise par Hayashi et al incluant 587 patients qui ont subi un MRCP a également montré que 0,85% des patients avaient ansa pancreatica.8 Cependant, la prévalence de l’ansa pancreatica n’est pas bien étudiée dans la littérature en raison de sa rareté.

Notre patient présentait une variante canalaire de l’ansa pancreatica où le canal de Santorini émet une boucle en rejoignant le canal de Wirsung mais avec une papille majeure non patente.

L’ansa pancreatica est un facteur prédisposant à la pancréatite récurrente en raison de la réduction du flux de sécrétion pancréatique causée par l’angle incliné reliant le conduit arqué du canal de Wirsung et le canal accessoire. En particulier chez les patients alcooliques et présentant une sténose fonctionnelle du sphincter d’Oddi.3 Selon Hayashi et al, le risque de pancréatite aiguë et récurrente est plus élevé chez les patients présentant une ansa pancreatica (20%) par rapport à ceux qui n’en ont pas (0,52%).8

Le diagnostic de pancréatite chronique comprend « des accès récurrents de douleur avec ou sans ≥3 fois la limite supérieure normale des niveaux d’amylase ou de lipase » et au moins sur deux des critères suivants : « Preuve radiologique comprenant des sténoses et une dilatation à l’intérieur des branches et/ou du canal pancréatique principal et/ou des calcifications pancréatiques intraductales et/ou parenchymateuses par tomodensitométrie avec prise de contraste et cholangiopancréatographie par résonance magnétique, et/ou preuve histologique de pancréatite chronique à partir d’échantillons biopsiques entrepris par échographie endoscopique ou à partir d’un spécimen réséqué chirurgicalement ».Néanmoins, si la preuve histologique et/ou radiologique est absente, le diagnostic serait une pancréatite aiguë récurrente au lieu d’une pancréatite chronique1.

Selon l’European gastroenterology (UEG), l’échographie endoscopique (EUS), l’IRM et le CT sont les meilleurs outils d’imagerie pour diagnostiquer la pancréatite chronique. L’ERCP est une procédure invasive et n’est donc pas considérée comme une méthode de diagnostic.9

L’IRM est parfaitement capable d’établir le diagnostic étiologique et de détecter la boucle de l’ansa sur des images 3D-T2W.2

Dans notre cas, outre des épisodes récurrents de douleurs abdominales et des preuves biochimiques, une pancréatite chronique a été diagnostiquée sur le CT abdominal et le MRCP. Le diagnostic de l’ansa pancreatica était basé sur le MRCP. (Figure 2)

Le traitement de la pancréatite chronique consiste à apaiser la douleur, et à suppléer à l’insuffisance exocrine et endocrine, afin de prévenir les complications et la progression de la maladie.1

Selon Ana Dugic et al10, le rôle des variations des canaux pancréatiques dans l’insuffisance de la fonction exocrine pancréatique est encore controversé.1 La fonction exocrine pancréatique de notre patient a été conservée.

Le traitement spécifique de la pancréatite chez les patients atteints d’ansa pancreatica n’est pas bien décrit dans la littérature1 Justin S Kosirog et al ont réalisé une sphinctérotomie de la papille majeure et placé une endoprothèse en plastique de 5 French par 3 cm dans le DP (canal pancréatique) en aval de l’ansa loop3.

Notre patient a reçu le traitement standard qui est une brève période de repos intestinal et une hydratation adéquate avec des fluides i.v., avec une amélioration significative des symptômes.

L’ERCP a confirmé une dilatation importante dans le canal pancréatique principal avec une boucle ansa dans le canal de Santorini au moment où il rejoint le canal de Wirsung dans la tête du pancréas, et une sphinctérotomie de la papille mineure a été effectuée. La procédure était difficile et la mise en place d’une endoprothèse pancréatique à long terme pendant l’ERCP était impossible.

Une pancréatico-jéjunostomie chirurgicale a été proposée comme traitement d’une ansa pancreatica avec une papille majeure non patente.