APEX

Cohen AT, et al. « Thromboprophylaxie prolongée avec le Betrixaban chez les patients médicaux en phase aiguë ». The New England Journal of Medicine. 2016. 375(6):534-44.
PubMed – Texte intégral – PDF

Question clinique

Parmi les patients médicalement malades en phase aiguë, la thromboprophylaxie prolongée avec le betrixaban réduit-elle le taux de TEV par rapport à l’énoxaparine ?

La ligne de fond

Parmi les patients médicaux en phase aiguë, le betrixaban à durée prolongée pendant 35 à 42 jours n’a pas réduit le critère d’évaluation principal de TVP proximale asymptomatique ou de TEV symptomatique par rapport à un régime standard d’énoxaparine pendant 6 à 14 jours.

Points principaux

Les patients malades hospitalisés sont à un risque accru de TEV pendant l’hospitalisation et après la sortie. Des essais randomisés contrôlés contre placebo, dont MEDENOX, PREVENT et ARTEMIS, ont montré que la thromboprophylaxie hospitalière par HBPM était prometteuse, avec une réduction du risque relatif de 45 à 63 %. Cependant, les patients médicalement malades peuvent rester à risque de TEV pendant la période qui suit la sortie de l’hôpital, 56,6 % de tous les événements TEV se produisant après la sortie de l’hôpital. Des études telles que MAGELLAN indiquent que la prophylaxie prolongée de la TEV par le rivaroxaban peut réduire les taux de TEV récurrente au détriment d’un excès de saignement, par rapport à la prophylaxie de la TEV par l’énoxaparine en traitement standard. On ne sait pas si une anticoagulation prolongée avec un autre AOD peut être efficace sans augmenter le risque de saignement cliniquement significatif.

L’essai Acute Medically Ill VTE Prevention With Extended Duration Betrixaban (APEX) a randomisé 7 513 patients hospitalisés en phase aiguë et présentant un risque de TEV dans un rapport 1:1 pour recevoir du betrixaban (un inhibiteur oral du facteur Xa) pendant 35-42 jours ou de l’énoxaparine pendant 6-14 jours. Une procédure séquentielle de gate-keeping a été réalisée pour comparer l’efficacité du betrixaban à celle de l’énoxaparine dans trois cohortes progressivement inclusives : patients avec un taux élevé de D-dimères (cohorte 1), patients avec un taux élevé de D-dimères ou un âge ≥75 ans (cohorte 2), et tous les patients inscrits (population globale). Le plan statistique inhabituel de l’étude prévoyait que si une analyse des différences entre les groupes n’atteignait pas la signification statistique, les autres analyses seraient considérées comme exploratoires. Dans la cohorte 1, il n’y a pas eu de différence significative dans le critère d’évaluation principal entre le bétrixaban à durée prolongée et l’énoxaparine à durée standard (6,9 % contre 8,5 % ; P=0,054). Par conséquent, les analyses des deux autres cohortes sont devenues exploratoires. Dans ces cohortes, les résultats étaient en faveur du bétrixaban avec une amélioration modeste dans la cohorte 2 (5,6 % vs 7,1 % ; P=0,03) et dans la population globale (5,3 % vs 7,0 % ; P=0,006). Mais là encore, en raison du plan statistique préspécifié, ces résultats doivent être interprétés comme des analyses exploratoires. Les taux d’hémorragie majeure étaient similaires (0,7 % vs. 0,6 % ; P=0,55). Les auteurs concluent que le bétrixaban à durée prolongée n’améliore pas les taux du critère d’efficacité primaire chez les patients médicalement malades avec un D-dimère élevé, mais que les analyses exploratoires suggèrent que le bétrixaban peut être bénéfique pour certains sous-groupes.

Les limites de cet essai comprennent son plan d’analyse statistique atypique, les données échographiques manquantes chez 15% des patients et l’utilisation d’un critère composite primaire qui comprenait des événements TEV asymptomatiques dont la signification clinique est incertaine. Néanmoins, le betrixaban a été approuvé par la FDA en juin 2017 pour la prophylaxie prolongée de la TEV chez les patients hospitalisés médicalement malades sur la base de cette étude. Comme prévu, cela a suscité une controverse étant donné que le betrixaban est l’un des seuls médicaments approuvés par la FDA sur la base d’un essai qui n’a pas réussi à atteindre son critère d’évaluation principal. Contrairement à la FDA, le NICE britannique a refusé l’autorisation de mise sur le marché du betrixaban sur la base de l’échec de cette étude à atteindre son critère principal.

Lignes directrices

En octobre 2018, aucune ligne directrice n’a été publiée qui reflète les résultats de cet essai.

Design

  • Essai multicentrique, prospectif, randomisé, en double aveugle, en double oméga, contrôlé actif, de phase 3
  • N=7513 randomisés dans un rapport 1 :1 (N=7441 inclus dans la population en intention de traiter modifiée).traiter)
    • Bétrixaban (n=3721)
      • Cohorte 1 (n=1914)
      • Cohorte 2 (n=2842)
      • Population globale (n=3112)
    • .

    • Enoxaparine (n=3720)
      • Cohorte 1 (n=1956)
      • Cohorte 2 (n=2893)
      • Population globale (n=3174)
  • Cadre : 460 sites dans 35 pays
  • Enrôlement : 2012-2015
  • Suivi : 30±5 jours après l’évaluation au jour 42
  • Analyse : Une procédure séquentielle de gate-keeping a été réalisée pour tester le résultat primaire d’efficacité dans les cohortes suivantes :
    • Cohorte 1 : patients présentant un taux élevé de D-dimères (≥ 2x la limite supérieure de la plage normale)
    • Cohorte 2 : patients avec un taux élevé de D-dimères ou un âge ≥ 75 ans
    • Population globale : patients de la population mITT avec tous les critères évaluables
  • Résultat primaire :
    • Efficacité : Un composite de
      • Thrombose veineuse profonde proximale asymptomatique entre le 32e et le 47e jour
      • Thrombose veineuse profonde proximale ou distale symptomatique entre le 1er et le 42e jour
      • Embolie pulmonaire symptomatique non fatale entre le 1er et le 42e jour
      • Décès par thromboembolie veineuse entre le 1er et le 42e jour
    • Sécurité : Saignement majeur à tout moment jusqu’à 7 jours après l’arrêt de tous les médicaments de l’étude

Population

Critères d’inclusion

  • Hospitalisé avec l’une des conditions suivantes :
    • Insuffisance cardiaque décompensée aiguë avec insuffisance cardiaque chronique symptomatique antérieure
    • Insuffisance respiratoire aiguë avec pneumopathie chronique symptomatique
    • Infection aiguë sans choc septique
    • Affection rhumatismale aiguë
    • Accident vasculaire cérébral ischémique aigu avec hémiparésie/paralysie des membres inférieurs
  • Facteurs de risque d’éligibilité :
    • Âge ≥ 75 ans
    • Âge de 60 à 74 ans avec D-dimère élevé
    • Âge de 40 à 59 ans avec D-dimère élevé et antécédents de TEV ou de cancer
  • Immobilité :
    • ≥ 24 heures d’immobilité sévère observée ou anticipée
    • Immobilité sévère ou modérée observée ou anticipée pendant ≥ 3 jours supplémentaires
  • Anticipation de ≥ 3 jours d’hospitalisation

Critères d’exclusion

  • Une condition nécessitant une anticoagulation prolongée ou des anti…plaquettes
  • Hémorragie active ou risque élevé d’hémorragie
  • Contre-indication au traitement anticoagulant
  • Conditions générales dans lesquelles les sujets ne sont pas aptes à participer à l’étude

Caractéristiques de base

Les comparaisons portent sur le betrixaban vs. Enoxaparine

  • Démographie :
    • Âge : 76,6 vs 76,2 ans
    • Hommes : 45,4% vs. 45,8%
  • Indice de masse corporelle : 29,21 vs. 29,54
  • Durée de l’hospitalisation : 10 (7-14) vs. 10 (8-14) jours
  • Inhibiteur de la glycoprotéine P concomitant : 18,0% vs. 17,3%
  • Thromboprophylaxie antérieure ≤ 96 h : 51,3% vs. 50,1%
  • État médical aigu:
    • Insuffisance cardiaque : 44,6% vs. 44,5%
    • Infection : 29,6% vs. 28,2%
    • Insuffisance respiratoire : 11,9% vs. 12,6%
    • Accident vasculaire cérébral ischémique : 10,9% vs. 11,5%
    • Trouble rhumatismal : 2,9% vs. 3,1%
  • Facteur de risque de TEV:
    • Niveau de D-dimères ≥ 2× ULN : 62,3% vs. 62,1%
    • Âge ≥ 75 ans : 68,5% vs. 67,0%
    • Antécédents de cancer : 12,4% vs. 11,8%
    • Antécédents de TEV : 8,3% vs. 7,9%
    • Antécédents d’insuffisance cardiaque de classe NYHA III-IV : 22,7% vs. 23,0%
    • Maladie infectieuse aiguë concomitante : 16,0% vs. 16,5%
    • Varicosités sévères : 18,7% vs 18,4%
    • Traitement hormonal substitutif : 1,1% vs 0,8%
    • Thrombophilie héréditaire ou acquise : <0,1% vs. 0.1%

Interventions

  • Pour les patients sans insuffisance rénale sévère (ClCr ≥ 15 à < 30 ml/min) ou utilisation concomitante d’un inhibiteur fort de la P-gp :
    • Après une dose initiale de deux gélules de 80 mg de betrixaban ou de placebo, les participants ont été randomisés entre :
      • Betrixaban : 80 mg PO une fois par jour pendant 35-42 jours plus placebo d’énoxaparine une fois par jour pendant 10±4 jours
      • Enoxaparine : 40 mg SC une fois par jour pendant 10±4 jours et betrixaban placebo une fois par jour pendant 35-42 jours
  • Pour les patients atteints d’insuffisance rénale sévère (ClCr ≥ 15 à < 30 mL/min):
    • Après une dose initiale de deux capsules de 40 mg de betrixaban ou de placebo, les participants ont été randomisés entre:
      • Betrixaban : 40 mg PO une fois par jour pendant 35-42 jours plus énoxaparine placebo une fois par jour pendant 10±4 jours
      • Enoxaparine : 20 mg SC une fois par jour pendant 10±4 jours et betrixaban placebo une fois par jour pendant 35-42 jours
  • Pour les patients qui reçoivent un inhibiteur fort de la P-gp :
    • Après une dose initiale de deux capsules de 40 mg de betrixaban ou d’un placebo, les participants ont été randomisés pour :
      • Betrixaban : 40 mg PO une fois par jour pendant 35-42 jours plus énoxaparine placebo une fois par jour pendant 10±4 jours
      • Enoxaparine : 40 mg SC une fois par jour pendant 10±4 jours et betrixaban placebo une fois par jour pendant 35-42 jours

    Outcomes

    Les comparaisons portent sur le betrixaban vs. énoxaparine

    Résultat primaire

    TEV (composite de TVP proximale asymptomatique, TVP proximale ou distale symptomatique, EP non fatale symptomatique ou décès lié à la TEV) Cohorte 1 6,9 % vs 8,5 % (RR 0,81 ; IC 95 % 0,65-1,00 ; P=0.054) Cohorte 2 5,6% vs. 7,1% (RR 0,80 ; IC 95% 0,66-0,98 ; P=0,03) Population globale 5,3% vs. 7,0% (RR 0,76 ; IC 95% 0,63-0,92 ; P=0,006)

    Secondary Outcomes

    TEV symptomatique Cohorte 1 1,3% vs. 1,9% (RR 0,67 ; IC 95% 0,42-1,07 ; P=0,09) Cohorte 2 1,0% vs. 1.4% (RR 0,71 ; IC à 95% 0,46-1,09 ; P=0,11) Population globale 0,9% vs. 1,5% (RR 0,64 ; IC à 95% 0,42-0,98 ; P=0,04) Résultat principal d’efficacité plus décès de toute cause Cohorte 1 11,5% vs. 12,9% (RR 0,89 ; IC à 95% 0,75-1,05 ; P=0,16) Cohorte 2 9,8% vs. 10,9% (RR 0,90 ; IC à 95% 0,77-1.04 ; P=0,15) Population totale 9,2 % vs 10,8 % (RR 0,85 ; IC à 95 % 0,73-0,98 ; P=0,02) Bénéfice clinique net (composite de TEV et d’hémorragie majeure) Cohorte 1 7,4 % vs 8,9 % (RR 0,82 ; IC à 95 % 0,66-1,01 ; P=0,07) Cohorte 2 6,1 % vs 7,4 % (RR 0,82 ; IC à 95 % 0,68-1,00 ; P=0,05) Population totale 5,8 % vs 7,4 % (RR 0,82 ; IC à 95 % 0,68-1,00 ; P=0,00)05) Population globale 5,8% vs. 7,3% (RR 0,78 ; IC 95% 0,65-0,95 ; P=0,01)

    Safety Outcomes

    Hémorragie majeure Cohorte 1 0,6% vs. 0,7% (RR 0,88 ; IC 95% 0,44-1,76 ; P=0,72) Cohorte 2 0,7% vs. 0,6% (RR 1,19 ; IC 95% 0,66-2,11 ; P=0,56) Population globale de sécurité 0,7% vs. 0.6% (RR 1,19 ; IC à 95% 0,67-2,12 ; P=0,55) Hémorragie majeure ou non majeure cliniquement pertinente Cohorte 1 3,1% vs. 1,9% (RR 1,64 ; IC à 95% 1,13-2,37 ; P=0,009) Cohorte 2 3,2% vs. 1,7% (RR 1,89 ; IC à 95% 1,38-2,59 ; P<0,001) Population globale de sécurité 3,1% vs. 1,6% (RR 1,97 ; IC à 95% 1.44-2,68 ; P<0,001)

    Analyse des sous-groupes

    Il n’y a pas eu d’interactions significatives entre le régime de l’essai et les sous-groupes.

    Événements indésirables

    Tout événement indésirable 54,0 % vs. 52,0 % Événement indésirable grave 17,7 % vs. 16,6 % Décès Toute cause : 5,7% vs. 5,8% Hémorragie : <0,1% vs. <0,1% TEV : 0,4% vs. 0,7% Insuffisance cardiaque ou choc cardiogénique : 1,1% vs. 1,5% Trouble arythmique : 0,0% vs. <0,1% IM : 0,3% vs. 0,2% AVC ischémique : 0,6 % vs. 0,8 % Cause non cardiovasculaire : 2,6% vs. 2,0% Cause indéterminée ou inconnue : 0,6% vs. 0,5% Accident vasculaire cérébral Tout accident vasculaire cérébral : 0,6 % vs. 1,1 % AVC ischémique : 0,5% vs. 0,9%

    Criticismes

    • Environ 15% des patients inscrits avaient une échographie manquante ou non évaluable et n’ont pas été inclus dans l’analyse principale de l’efficacité.
    • L’étude a exclu les personnes qui nécessitaient une anticoagulation prolongée ou une bithérapie antiplaquettaire, qui présentaient un risque accru de saignement, qui avaient un dysfonctionnement hépatique ou qui présentaient à la fois une insuffisance rénale sévère (ClCr 15-29 ml/min) et nécessitaient l’utilisation concomitante d’un inhibiteur de la P-gp. Le bénéfice-inconvénient du bétrixaban par rapport à l’énoxaparine chez ces patients reste incertain.

    Financement

    • L’étude a été financée par Portola Pharmaceuticals.
    • Les données ont été recueillies par le développement de produits pharmaceutiques, le Duke Clinical Research Institute et Percutaneous-Pharmacologic Endoluminal Revascularization for Unstable Syndromes Evaluation (PERFUSE).

    Lecture complémentaire

    1. Turpie AG & Prophylaxie de la thrombose chez le patient médical en phase aiguë : aperçu de l’essai prophylaxie chez les patients médicaux avec ENOXaparine (MEDENOX). Am. J. Cardiol. 2000. 86:48M-52M.
    2. Leizorovicz A et al. Randomized, placebo-controlled trial of dalteparin for the prevention of venous thromboembolism in acutely ill medical patients. Circulation 2004. 110:874-9.
    3. Cohen AT et al. Efficacité et sécurité du fondaparinux pour la prévention de la thromboembolie veineuse chez les patients médicaux aigus plus âgés : essai randomisé contrôlé par placebo. BMJ 2006. 332:325-9.
    4. Amin AN et al. Duration of venous thromboembolism risk across a continuum in medically ill hospitalized patients. J Hosp Med 2012. 7:231-8.