Fièvre, frissons … et urine bleue

(Rédacteur de la section : T.J. Rabelink)

Un homme de 51 ans (GC, parlant uniquement l’italien) a été admis dans notre hôpital en Autriche en raison de frissons, de fièvre et de dysurie depuis environ 2 jours. L’évaluation clinique n’a révélé aucune anomalie à l’examen physique. La pression artérielle était de 150/80 mmHg, le pouls de 80 par minute et la température corporelle de 39,6°C. Le patient a nié toute irrégularité concernant les selles.

Les tests de laboratoire de routine ont montré un nombre élevé de globules blancs de 17,9 G/l et une protéine C-réactive de 153 mg/l. On a demandé au patient de fournir de l’urine pour examen et quelques minutes plus tard, il a apporté un gobelet avec de l’urine bleue (figure 1). L’analyse d’urine par bandelette réactive a révélé des leucocytes +++, des nitrites +, des protéines + et des érythrocytes +. L’examen microscopique a montré de nombreux leucocytes (figure 2). L’échographie rénale était normale.

Fig. 1.

Échantillon d’urine du patient GC après centrifugation à 2000 tours/min pendant 10 min. Attention à la flèche!

Fig. 1.

Échantillon d’urine du patient GC après centrifugation à 2000 tours/min pendant 10 min. Faites attention à la flèche!

Fig. 2.

Sédiment urinaire du patient GC (coloration de Papanicolaou, ×400), avec quelques cellules uroépithéliales et des masses de granulocytes (neutrophiles et éosinophiles).

Fig. 2.

Sédiment urinaire du patient GC (coloration de Papanicolaou, ×400), avec quelques cellules uroépithéliales et des masses de granulocytes (neutrophiles et éosinophiles).

Question

Quel est le diagnostic chez ce touriste italien ? Pourquoi l’urine est-elle bleue ? (Réponse page suivante).

Réponses au quiz de la page précédente

Les changements de couleur des urines sont toujours impressionnants au moins pour les patients, et peuvent être un signe diagnostique important. Le plus souvent, une altération de la couleur est due à une hématurie macroscopique d’aspect rose à rouge ou noir . D’autres changements incluent le blanc laiteux, le rose-rouge-pourpre, le rouge-brun-noir et le bleu-vert. Une urine bleu-vert peut notamment résulter de troubles métaboliques héréditaires tels que le syndrome de la couche bleue, de l’ingestion de médicaments (par exemple l’amitriptyline, l’indométacine) ou de l’administration d’indigo carmin ou de bleu de méthylène. Cette dernière substance est utilisée à des fins de diagnostic, dans le traitement de la méthémoglobinémie, mais aussi comme désinfectant en raison de son action antiseptique légère. Le bleu de méthylène est excrété lentement, en partie sous forme inchangée. Martindale répertorie 28 préparations contenant du bleu de méthylène , dont 14 sont utilisées par voie topique pour divers troubles oculaires et six sont administrées par voie orale pour les infections des voies urinaires dans quelques pays du monde seulement (France, Allemagne, Italie, Espagne, USA).

Notre patient n’avait aucun antécédent de maladie héréditaire. Confronté à l’étrange constatation d’une urine bleue, le patient s’est excusé de ne pas avoir mentionné les médicaments qu’il prenait. En raison d’une dysurie, il a été prescrit Mictasol bleu® (marque italienne et française ; contenant du bleu de méthylène 20 mg, malva purpurea 250 mg) trois fois par jour par son médecin italien il y a 2 semaines. L’analyse microscopique de l’urine était caractéristique (Figure 2), et Escherichia coli a pu être cultivé en culture d’urine. Un antibiotique à large spectre a été administré et le patient a quitté la clinique le lendemain. Le diagnostic était une infection des voies urinaires, et une urine de couleur bleue due à l’ingestion de bleu de méthylène.

Un dicton dit que « voyager éduque », mais les voyageurs peuvent le faire aussi avec les médecins.

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Les lecteurs de notre journal sont encouragés à soumettre du matériel pour cette section. Les soumissions doivent être adressées à l’éditeur de la section, le Dr T. Rabelink, Hôpital universitaire, Département de néphrologie, PO Box 85500, Fo 3.226, 3508 GA Utrecht, Pays-Bas.

1

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2

Miller RB. Urine analysis. In : Massry SG, Glassock RJ, eds. Textbook of Nephrology, 2e édition. Williams & Wilkins, Baltimore, Hong Kong, Londres, Sydney : 1989 : 1587-1609

3

Drummond KN, Michael AF, Ulstrom RA, Good RA. Le syndrome de la couche bleue : hypercalcémie familiale avec néphrocalcinose et indicanurie. Une nouvelle maladie familiale, avec définition de l’anomalie métabolique.

Am J Med
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4

Kraus RP, Grof P, Arana GW, Workman RJ, Harvey KJ, Hux M. Bleu de méthylène : un marqueur fiable et pratique pour valider la conformité au DST.

J Clin Psychiatry
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-229

5

Lukens JN. La méthémoglobinémie et autres troubles accompagnés de cyanose. Dans : Lee GR, Bithell TC, Foerster J, Athens JW, Lukens JN, eds. Wintrobe’s Clinical Hematology, 9e édition. Lea & Febiger, Philadelphie, Londres : 1993 : 1262-1271

6

Reynolds JEF. ed. Martindale The Extra Pharmacopoeia, 30th Edition. Londres : The Pharmaceutical Press 1993 : 684-685 et 2195

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