Odème cérébral
Odème cérébral
L’œdème cérébral (EC) est reconnu comme une complication du diabète sucré chez l’enfant depuis 1936. Il s’agit essentiellement d’un diagnostic clinique, basé sur la détérioration de l’état mental lors d’une réanimation pour une ACD. Les signes et symptômes qui doivent faire envisager l’EC sont le ralentissement inapproprié de la fréquence cardiaque, l’hypertension, les céphalées sévères, la récurrence des vomissements, l’irritabilité, la léthargie ou d’autres modifications de l’état mental.60 Certains patients évoluent vers le coma, l’arrêt respiratoire et l’hernie cérébrale. La plupart des épisodes d’EC surviennent plusieurs heures après l’instauration du traitement de l’ACD ; toutefois, 5 à 20 % des cas surviennent au moment de la présentation, avant l’instauration du traitement. L’œdème cérébral reste la principale cause de décès et de morbidité chez les enfants atteints de diabète sucré de type 1. La fréquence de l’EC associé à l’ACD reste inchangée malgré les efforts cliniques pour prouver le contraire.32
La mortalité rapportée de l’EC varie largement et dépend en partie des critères utilisés pour définir l’EC. Des taux aussi élevés que 50 % à 90 % ont été rapportés, mais des études plus récentes56,61 rapportent des taux plus faibles de 21 % à 24 %. Globalement, l’incidence de l’EC est d’environ 0,7 % à 0,9 % dans les présentations d’ACD. En d’autres termes, environ 1 enfant sur 400 atteints d’ACD meurt des suites d’un EC. La morbidité est importante ; en particulier, des séquelles neurologiques débilitantes surviennent chez 21 % à 26 % des enfants présentant une EC liée à l’ACD.56, 61 Bien que l’EC franche soit peu fréquente, de nombreuses données suggèrent que l’EC subclinique ou asymptomatique survient chez de nombreux enfants atteints d’ACD, peut-être même chez la majorité d’entre eux. Des données limitées suggèrent que des lésions cérébrales subtiles peuvent également être associées à l’ACD, même en l’absence d’EC cliniquement apparente.62
La pathophysiologie de l’EC reste énigmatique. Plusieurs théories causales ont été proposées pour expliquer l’apparition de l’EC au cours de l’ACD. On pense que des substances idiogènes, osmotiquement actives, qui régulent le volume cellulaire, jouent un rôle dans l’apparition de l’EC liée à l’ACD. La taurine (acide 2-aminoéthane sulfonique), en particulier, jouerait un rôle critique dans la neuro-sorégulation au cours de l’ACD.63 Par ailleurs, on a émis l’hypothèse que l’hypoperfusion cérébrale (causée par la déplétion volumique) avant le traitement de l’ACD et les effets de la reperfusion pendant le traitement de l’ACD pouvaient entraîner un EC et des lésions cérébrales.64,65 On a également émis l’hypothèse que les effets directs des corps cétoniques et des cytokines inflammatoires sur la fonction de la barrière hémato-encéphalique jouaient un rôle.66,67 A ce jour, cependant, la physiopathologie précise de l’EC reste non résolue et de multiples facteurs peuvent être impliqués.
Les études épidémiologiques des facteurs de risque de l’EC montrent que les enfants présentant des concentrations initiales d’azote uréique sanguin plus élevées, des concentrations initiales de PCO2 plus faibles et une acidose plus importante au moment de la présentation de l’ACD semblent présenter le plus grand risque d’EC.56,65,68,69. Une augmentation émoussée de la concentration sérique de sodium mesurée pendant le traitement de l’ACD a également été associée à un risque accru d’EC, tout comme le traitement au bicarbonate.56 L’administration précoce d’insuline (dans la première heure) a également été associée à un risque accru d’EC dans une étude.68 Les études évaluant l’impact des variations des protocoles d’administration de liquides sur le risque d’EC ont donné des résultats contradictoires. A ce jour, il n’existe pas d’association claire entre un aspect quelconque du traitement liquidien et l’augmentation du risque d’EC.
Une fois le diagnostic d’EC posé, le traitement est une question d’urgence et ne doit pas être retardé dans l’attente d’examens d’imagerie ou de tests supplémentaires. Du mannitol intraveineux (0,25-1 g/kg) doit être administré immédiatement. Des rapports récents suggèrent l’utilisation d’une solution saline à 3% en bolus ou en perfusion continue pour le traitement de l’EC, mais les données démontrant des effets bénéfiques sont limitées à des rapports de cas.70,71 Une surveillance continue en unité de soins intensifs est essentielle. Une assistance pulmonaire par intubation endotrachéale sera probablement nécessaire en raison des graves altérations de l’état mental, de l’altération des réflexes des voies aériennes et de la modification de la pulsion respiratoire. Cependant, l’hyperventilation thérapeutique chez les patients intubés a été associée à de moins bons résultats.72 Par conséquent, la diminution de la Pco2 en dessous de la compensation propre du patient pour l’acidose métabolique doit être évitée chez les enfants atteints d’ACD, sauf en cas de nécessité absolue pour traiter une hernie cérébrale imminente. Une approche raisonnable consisterait à maintenir initialement le niveau actuel de Pco2 du patient, puis à permettre progressivement à la Pco2 d’augmenter à mesure que l’acidose se corrige. Si la pulsion respiratoire du patient reste intacte, l’utilisation de modes d’assistance plutôt que de ventilation obligatoire permet au patient de déterminer la fréquence et la profondeur de sa respiration. L’imagerie du système nerveux central chez les patients suspectés d’EC est recommandée pour exclure d’autres étiologies d’altération de l’état mental telles que des thromboses ou des infarctus du système nerveux central.