Quel clip résume le mieux l’ère Trump ? Un vieux sketch de Mitchell et Webb sur la Seconde Guerre mondiale
Chaque époque reçoit l’art qu’elle mérite. Ainsi, le Reaganisme a obtenu Top Gun, dans toute sa gloire superficielle, tape-à-l’œil et étonnamment durable. L’ère Clinton a produit Jerry Maguire, un film qui semblait si intelligent à l’époque, mais qui semble aujourd’hui tout simplement platitude, et pourtant je me surprends à retomber sous son charme superficiel chaque fois qu’il passe à la télévision. De la même manière, Blair a eu Damien Hirst et Oasis, qui semblaient tous séminaux à leur époque, mais qui ont maintenant l’air embarrassés par leur époque. L’ère Bush a produit le premier des Transformers de Michael Bay, un désordre fou, dont le cinéma américain souffre encore des réverbérations.
Certes, Obama, le politicien sui generis, a produit le spectacle sui generis, Hamilton, une célébration glorieuse de l’Amérique multiculturelle, et un spectacle si bon que la première chose que Trump a faite après avoir été élu président a été de tenter de lui faire la guerre : peu après l’élection de 2016, le public du spectacle de Broadway a hué le vice-président nouvellement élu, qui était dans le public. « Excusez-vous ! » a tweeté le président enragé. Spoiler : le spectacle n’a pas présenté d’excuses. J’apprécie toujours quand Trump parle de la façon dont il va triompher de tel ou tel pays étranger ou lointain. C’est comme si, mec, tu ne pouvais même pas prendre le dessus sur une comédie musicale dans ta propre ville.
Ce qui nous amène, inexorablement, à l’ère Trump. Après seulement un an et demi d’existence, quelque chose a émergé qui est si clairement le zeitgeist devenu réel, l’humeur devenue matière. Ce n’est pas un film, ni un livre, ni une pièce. Non, c’est un média bien plus adapté à notre époque de TDAH, de 280 caractères ou moins, de « je ne lis que les gros titres » : c’est le mème « Are We The Baddies ? » de 12 ans de That Mitchell And Webb Look.
Cela vient d’un sketch dans lequel Robert Webb et David Mitchell jouent des officiers SS, se battant loyalement sur le terrain. Sauf que Mitchell a soudain une révélation : « Hans, demande-t-il à Webb, sommes-nous les méchants ? ». Malgré son ancienneté, ce mème a connu une résurgence en ligne au cours des deux dernières années, tant il est clairement lié à notre époque. Ainsi, étant donné que Trump est lui-même un retour en arrière que certains d’entre nous avaient cru relégué aux oubliettes de l’histoire de la culture pop, il semble approprié que son époque soit représentée par un mème vieux de 12 ans.
Tout le monde au Royaume-Uni et aux États-Unis aujourd’hui a grandi avec la certitude que, quels que soient les défauts de nos pays, nous sommes, en gros, les gentils. Nous sommes ceux qui ont combattu les nazis, qui apportent la démocratie au fascisme, la lumière aux ténèbres. Mais maintenant nous regardons autour de nous, post-Trump, post-Brexit, et nous vivons soudainement dans des pays dirigés par des mantras débités par Nigel Farage et Fox News. Sommes-nous les méchants ?
Mais ce mème ne concerne pas seulement notre propre réalisation personnelle. Maintenant que nous sommes presque à mi-chemin de cette présidence, nos politiciens et nos figures médiatiques commencent à laisser apparaître leurs racines, et ce mème les concerne. La politique sadique de séparation des familles de l’administration Trump a peut-être été suspendue le 20 juin, mais des rapports continuent d’émerger sur des familles déchirées, sur des milliers de bambins et d’enfants toujours séparés de leurs parents. Mais alors, comme l’animateur de Fox News Brian Kilmeade l’a souligné la semaine dernière, « Que cela vous plaise ou non, ce ne sont pas nos enfants. Montrez-leur de la compassion, mais ce n’est pas comme s’il faisait ça aux habitants de l’Idaho ou du Texas. » Je veux dire, s’il s’agissait d’enfants texans dans des cages, ce serait grave – mais des enfants guatémaltèques de cinq ans : qui s’en soucie ? Après une réaction publique, Kilmeade a insisté sur le fait qu’il avait « de la compassion pour tous les enfants ». Tous les enfants sont égaux, c’est juste que les enfants de l’Idaho ou du Texas sont plus égaux que les autres.
Cela me rappelle quand le méchant Bond à prix cassé Arron Banks a été interrogé sur le pic de crimes racistes post-Brexit, et a répondu avec la citation intemporelle, « Yawn ».
Il est facile d’être blasé et de dire que les Républicains, les Tories d’extrême droite, Fox News et le Daily Mail ont toujours été horribles, mais seule une personne n’ayant aucune connaissance du début du 20e siècle pourrait ne pas voir les parallèles entre cette époque et aujourd’hui : la déshumanisation des immigrants, les cruautés occasionnelles contre les membres les plus vulnérables de la société, le nationalisme promu par les politiciens et leurs porte-paroles comme étant pour « le peuple », alors qu’il ne profite qu’aux riches membres de l’extrême droite.
En 1940, la propagande nazie décrivait les camps de concentration comme étant des camps de jeunesse ; aujourd’hui, la présentatrice de Fox News Laura Ingraham décrit les centres de détention pour mineurs migrants comme étant « essentiellement des camps d’été ». En 1942, les juifs étaient conduits dans des douches et gazés à mort ; en 2018, des bambins migrants sont retirés à leurs parents par des fonctionnaires américains qui disent qu’ils ont besoin d’un bain, pour ensuite les expédier dans un « camp d’été » à des milliers de kilomètres. Trump lui-même a décrit de façon célèbre un rassemblement néo-nazi en 2017 comme étant rempli de « gens très bien », et pourtant nous continuons à être surpris par ce qu’il fait.
Il ressemblait autrefois à une blague : un présentateur de télé-réalité qui ne pouvait même pas prendre le dessus sur une comédie musicale. Mais la haine qu’il encourage est plus facile à répandre que du beurre, et nous ne la remarquons que lorsqu’il est trop tard. Sommes-nous les méchants ?
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