Rapport Beveridge

Extraits du rapport Beveridge, détaillant les objectifs clés et la vision, novembre 1942 (PREM 4/89/2)

TROIS PRINCIPES DIRECTEURS DES RECOMMANDATIONS

6. En passant de cette première étude complète de l’assurance sociale à la tâche suivante – celle de faire des recommandations – trois principes directeurs peuvent être établis dès le départ.8. Le deuxième principe est que l’organisation de l’assurance sociale doit être traitée comme une partie seulement d’une politique globale de progrès social. L’assurance sociale pleinement développée peut fournir la sécurité du revenu ; c’est une attaque contre Want. Mais le besoin n’est qu’un des cinq géants sur la route de la reconstruction et, à certains égards, le plus facile à attaquer. Les autres sont la maladie, l’ignorance, la misère et l’oisiveté.
9. Le troisième principe est que la sécurité sociale doit être obtenue par la coopération entre l’Etat et l’individu. L’Etat doit offrir la sécurité pour le service et la contribution. L’Etat, en organisant la sécurité, ne doit pas étouffer l’incitation, l’opportunité, la responsabilité, en établissant un minimum national, il doit laisser la place et l’encouragement à l’action volontaire de chaque individu pour fournir plus que le minimum pour lui-même et sa famille.
10. Le plan de sécurité sociale exposé dans le présent rapport est fondé sur ces principes. Il utilise l’expérience mais n’est pas lié à l’expérience. Il est présenté comme une contribution limitée à une politique sociale plus large, mais comme quelque chose qui pourrait être réalisé maintenant sans attendre l’ensemble de cette politique. Il s’agit avant tout d’un plan d’assurance – consistant à donner, en contrepartie de cotisations, des prestations jusqu’au niveau de subsistance, de plein droit et sans condition de ressources, afin que les individus puissent s’appuyer librement dessus.

12. L’abolition du besoin exige, en premier lieu, l’amélioration de l’assurance publique, c’est-à-dire la disposition contre l’interruption et la perte de la capacité de gain. Toutes les principales causes d’interruption ou de perte de revenus font aujourd’hui l’objet de régimes d’assurance sociale. Si, en dépit de ces régimes, un nombre aussi élevé de chômeurs, de malades, de personnes âgées ou de veuves ne disposent pas d’un revenu suffisant pour assurer leur subsistance selon les normes adoptées dans les enquêtes sociales, cela signifie que les prestations sont inférieures à la subsistance selon ces normes ou ne durent pas aussi longtemps que le besoin, et que l’assistance qui complète l’assurance est soit insuffisante en quantité, soit disponible seulement à des conditions qui font que les hommes ne veulent pas y avoir recours. Aucune des prestations d’assurance fournies avant la guerre n’était en fait conçue en fonction des normes des enquêtes sociales. Si les allocations de chômage n’étaient pas tout à fait éloignées de ces normes, les allocations de maladie et d’invalidité, les pensions de vieillesse et les pensions de veuve étaient bien en deçà, tandis que l’indemnisation des ouvriers était inférieure au niveau de subsistance pour toute personne ayant des responsabilités familiales ou dont les revenus du travail étaient inférieurs au double du montant nécessaire à la subsistance. Pour éviter que l’interruption ou la destruction de la capacité de gain ne conduise au besoin, il est nécessaire d’améliorer les régimes actuels d’assurance sociale dans trois directions : par l’extension du champ d’application aux personnes actuellement exclues, par l’extension des buts pour couvrir les risques actuellement exclus et par l’augmentation des taux de prestations.

14. Par une double redistribution des revenus par l’assurance sociale et les allocations familiales, le besoin, tel qu’il est défini dans les enquêtes sociales, aurait pu être aboli en Grande-Bretagne avant la guerre actuelle. Comme le montre le paragraphe 445, le revenu dont disposait le peuple britannique était amplement suffisant pour un tel objectif. Le plan de sécurité sociale exposé dans la partie V du présent rapport a pour objectif l’abolition du besoin après cette guerre. Il comprend comme méthode principale l’assurance obligatoire, avec l’assistance nationale et l’assurance volontaire comme méthodes subsidiaires. Il suppose que les allocations pour enfants à charge font partie de son contexte. Le plan suppose également l’établissement de services complets de santé et de réadaptation, et le maintien de l’emploi, c’est-à-dire la prévention du chômage de masse, comme conditions nécessaires au succès de l’assurance sociale. Ces trois mesures – allocations pour enfants, services de santé et de réadaptation, maintien de l’emploi – sont décrites comme les hypothèses A, B et C du plan : elles se situent en partie à l’intérieur et en partie à l’extérieur du plan lui-même, s’étendant à d’autres domaines de la politique sociale. Ils sont donc discutés, non pas dans l’exposé détaillé du plan dans la partie V du rapport, mais dans la partie VI, qui concerne la sécurité par rapport à des questions plus larges.

Brièvement, la proposition est d’introduire à tous les citoyens des pensions adéquates sans condition de ressources par étapes sur une période de transition de vingt ans, tout en fournissant une assistance immédiate aux personnes qui en ont besoin. En adoptant une période de transition pour les pensions de plein droit, tout en répondant aux besoins immédiats sous réserve de l’examen des ressources, le plan de sécurité sociale en Grande-Bretagne suit le précédent de la Nouvelle-Zélande.