Stomatite aphteuse (aphtes, stomatite aphteuse récidivante, aphtose simple, aphtose complexe)
- Etes-vous sûr du diagnostic ?
- Résultats caractéristiques de l’examen physique
- Figure 1.
- Résultats attendus des études diagnostiques
- Figure 2.
- Confirmation du diagnostic
- Qui risque de développer cette maladie ?
- Quelle est la cause de cette maladie ?
- Etiologie
- Pathophysiologie
- Implications systémiques et complications
- Options de traitement
- Approche thérapeutique optimale pour cette maladie
- Gestion du patient
- Scénarios cliniques inhabituels à prendre en compte dans la prise en charge du patient
- Quelles sont les données probantes ?
Etes-vous sûr du diagnostic ?
La stomatite aphteuse est une affection ulcéreuse buccale courante, douloureuse, auto-cicatrisante mais récidivante. Le début se situe généralement dans l’enfance et la fréquence des récidives tend à diminuer avec l’âge. Dans la forme la plus courante, les lésions ont un prodrome subtil de 1 à 2 jours, durent 7 à 10 jours et se résorbent sans laisser de cicatrices, même en l’absence de traitement. Un traumatisme antérieur dû à des aliments pointus ou à une morsure est souvent cité comme facteur instigateur.
Résultats caractéristiques de l’examen physique
À l’examen clinique, les ulcères aphteux se présentent comme des ulcères douloureux, bien délimités, avec un anneau érythémateux et une boue pseudomembraneuse à la base (figure 1).La localisation, la taille, la configuration et la durée peuvent être variables. Les surfaces plus molles, mobiles et moins kératinisées de la bouche sont le plus souvent touchées (muqueuses labiales et buccales, palais mou, gencive non attachée, langue ventrale et plancher de la bouche).
Dans l’aphtose simple, les ulcères ont une taille inférieure à 1 cm, surviennent un ou deux à la fois et se résorbent sans traitement en 7 à 10 jours sans cicatrice. Dans l’aphtose complexe, les ulcères peuvent être plus grands que 1 cm, se produisent plusieurs à la fois ou en grappes herpétiformes et sont souvent plus lents à se résorber, laissant parfois des cicatrices.
Résultats attendus des études diagnostiques
L’histopathologie d’un ulcère aphteux n’est pas spécifique, montrant un infiltrat dermique mixte et réactif sous un épithélium perturbé (figure 2). Les tests sérologiques ne sont pas diagnostiques, mais un dépistage est recommandé pour identifier les carences nutritionnelles (facteurs aggravants possibles) : NFS, ferritine, folates, vitamine B1, vitamine B2, vitamine B6, vitamine B12, magnésium et zinc.
Confirmation du diagnostic
Le diagnostic différentiel comprend : herpès simplex, varicelle zoster, maladie des mains, des pieds et de la bouche, érythème polymorphe, troubles bulleux, pyostomatite végétative, syphilis, lichen plan, lupus érythémateux, maladie cœliaque, cancers buccaux et maladies systémiques (neutropénie cyclique ; maladie de Behçet (critères de O’Duffy : stomatite aphteuse plus deux des éléments suivants – aphtose génitale, uvéite, lésions vasculitiques pustuleuses cutanées, synovite, méningo-encéphalite) ; PFAPA (fièvre périodique, aphtose, pharyngite, adénite cervicale) ; syndrome MAGIC (aphtes buccaux et génitaux avec cartilage enflammé) ; VIH).
Ce différentiel étendu est mieux limité par l’obtention d’une histoire détaillée. Si le diagnostic reste incertain, des tests supplémentaires peuvent être utiles. Les biopsies pour l’hématoxyline et l’éosine (H&E) et l’immunofluorescence directe sont bénéfiques pour écarter les dermatoses bulleuses et le cancer.
Le dépistage sérologique pour écarter d’autres éléments du diagnostic différentiel comprend : la vitesse de sédimentation des érythrocytes (ESR), les anticorps antinucléaires (ANA), la thyréostimuline (TSH), la transglutaminase tissulaire IgA et IgG (TTG), la réagine plasmatique rapide (RPR) et le VIH. Un écouvillon envoyé pour une réaction en chaîne par polymérase (PCR) peut identifier une infection par le virus de l’herpès simplex (HSV) ou le virus de la varicelle et du zona (VZV). Une évaluation plus poussée peut nécessiter une orientation vers la gastro-entérologie, l’hématologie ou la rhumatologie.
Qui risque de développer cette maladie ?
Les ulcères aphteux sont fréquents, touchant environ 20 % de la population. Les enfants et les adultes de toutes les races peuvent être affectés, mais les femmes blanches de moins de quarante ans, riches et non fumeuses, sont les plus à risque. La prévalence est assez élevée chez les étudiants en médecine et les diplômés. Le tabagisme est inversement associé.
Quelle est la cause de cette maladie ?
Etiologie
La stomatite aphteuse est une affection inflammatoire d’étiologie inconnue.
Pathophysiologie
Les mécanismes immunitaires postulés pour jouer un rôle dans la pathophysiologie comprennent à la fois des processus à médiation cellulaire et à médiation par les anticorps. Il semble y avoir une prédisposition génétique, et une histoire familiale positive peut être obtenue chez un tiers des patients. Des carences nutritionnelles (voir ci-dessus) ont été identifiées chez des patients, mais aucun lien de causalité avec la maladie n’a été identifié. Des poussées prémenstruelles sont fréquemment rapportées.
Implications systémiques et complications
La stomatite aphteuse se présente le plus souvent comme une affection localisée sans implications systémiques. Dans une minorité de cas, la stomatite aphteuse se présente en association avec une maladie hématologique, rhumatologique, infectieuse ou multisystémique.
-Neutropénie cyclique : enfants, NFS, orientation vers un hématologue pédiatrique
-Maladie de Behçet : revue des systèmes, examen cutané complet, orientation vers l’ophtalmologie et la rhumatologie
-FAPA (fièvre, aphtose, pharyngite, adénite cervicale) : enfants, hémogramme complet (CBC), ESR, protCRP, test streptococcique, orientation vers un pédiatre
-Syndrome MAGIC, biopsie de la peau (oreille), orientation vers la rhumatologie
-VIH : Dépistage du VIH, orientation vers les maladies infectieuses
Options de traitement
Produits d’hygiène buccale
Dentifrice sans sulfate de laurier sodique (dentifrice Rembrandt contre les aphtes, dentifrices sans SLS Tom’s of Maine, bicarbonate de soude ordinaire)
Médicaments topiques pour le soulagement des symptômes
Lidocaïne 2 % en solution visqueuse, 15ml. Avaler et recracher toutes les 3 heures si nécessaire ; ne pas dépasser 8 doses en 24 heures
Gel de lidocaïne 2% appliqué sur les lésions toutes les 3 heures si nécessaire ; ne pas dépasser 8 doses en 24 heures
Sucralfate 1G/10mL solution 10ml deux à quatre fois par jour
Traitements topiques
Fluocinonide ou clobetasol gel appliqué deux à trois fois par jour
Dexaméthasone solution 0.5mg/5ml. agiter et recracher 5ml deux à trois fois par jour
Triamcinolone injection intralésionnelle 0.1ml à 0.5ml de solution de 10mg/ml
Traitement systémique en vente libre
Vitamine B12 1000ug par jour
Traitements systémiques sur ordonnance
Prednisone 40-60mg débutant de manière progressive sur 1 à 2 semaines (l’objectif est une thérapie d’épargne des stéroïdes)
Colchicine 0.6mg trois fois par jour (souvent utilisée en association avec la Dapsone)
Dapsone 100 à 150mg par jour
Pentoxifylline 400mg trois fois par jour
Montelukast 10mg par jour
Clofazimine 100mg par jour pendant 1 mois puis 100 mg tous les deux jours
Inhibiteurs anti-TNF-.alpha – étanercept et adalimumab (pour les cas graves et réfractaires compte tenu des effets secondaires et des dépenses)
Thalidomide (pour les cas graves et réfractaires compte tenu des effets secondaires)
Approche thérapeutique optimale pour cette maladie
L’aphtose simple peut ne nécessiter qu’une réassurance. Si un traitement est souhaité, la lidocaïne topique peut être utilisée pour soulager les symptômes, et les corticostéroïdes topiques peuvent être utilisés au premier signe d’une nouvelle lésion pour diminuer la gravité et la durée des lésions.
L’aphtose sévère nécessite généralement une prise en charge plus agressive en plus des interventions ci-dessus. La colchicine est un médicament simple de première intention qui ne nécessite aucun bilan sanguin. La plupart des patients peuvent tolérer une posologie biquotidienne, et de nombreux patients peuvent tolérer trois pilules par jour si elles sont dosées une le matin et deux au coucher.
Si la colchicine est efficace mais qu’une plus grande amélioration est souhaitée, la Dapsone peut être ajoutée avec une dose cible de 100-150mg par jour. La Dapsone nécessite un dépistage et une surveillance en laboratoire.
Si les dépenses (colchicine) ou les tests de laboratoire (Dapsone) sont des facteurs limitants, la pentoxifylline ou le montelukast sont deux options raisonnables. Les deux sont bien tolérés et ne nécessitent pas de tests de laboratoire. En raison de l’évolution naturelle en dents de scie de l’aphtose et du délai d’apparition de l’effet des médicaments, il est préférable de faire un essai de 3 mois.
La maladie réfractaire peut nécessiter d’envisager la thalidomide ou un inhibiteur anti-TNF-alpha. Certains médecins estiment que le bénéfice attendu de ces médicaments pèse plus lourd que les risques, tandis que d’autres ne le pensent pas. Si ces médicaments sont envisagés, il faut réserver du temps pour une discussion réfléchie avec le patient.
Gestion du patient
L’aphtose complexe est une affection chronique que l’on tente de gérer et non de guérir. L’évolution naturelle est une évolution en dents de scie. Dans certains cas, il y a rémission. Les patients doivent s’attendre à un traitement de longue durée. L’objectif est d’identifier le médicament minimum nécessaire pour apporter un confort et un contrôle suffisants.
La fréquence, la durée et la gravité des lésions peuvent être très variables et les traitements doivent être adaptés en conséquence. Les patients doivent être suivis périodiquement (tous les 4 à 6 mois) pour évaluer l’activité de la maladie. Si les épisodes diminuent ou deviennent moins sévères, les doses de médicaments peuvent être lentement diminuées. La possibilité de récidive demeure toujours.
Scénarios cliniques inhabituels à prendre en compte dans la prise en charge du patient
Aucun pour l’aphtose simple. Plusieurs syndromes énumérés dans le diagnostic différentiel (voir la section « Êtes-vous sûr du diagnostic ? », ci-dessus) peuvent avoir une foule d’implications systémiques.
Quelles sont les données probantes ?
Davatchi F, Sadeghi Abdollahi B, Tehrani Banihashemi A, Shahram F, Nadji A, Shams H, Chams-Davatchi, C. « Colchicine versus placebo dans la maladie de Behcet : essai croisé randomisé, en double aveugle et contrôlé ». Mod Rheumatol. vol. 19. 2009. pp. 542-9. (Étude contrôlée soutenant l’efficacité de la colchicine.)
Hello, M, Barbarot, S, Bastuji-Garin, J, Chosidow, O. « Utilisation de la thalidomide pour la stomatite aphteuse récurrente sévère : une analyse de cohorte multicentrique ». Médecine. vol. 89. 2010. pp. 176-82. (Grande étude soutenant l’efficacité de la thalidomide et soulignant le profil d’effets secondaires importants.)
Letsinger, JA, McCarty, MA, Jorizzo, JL. « Aphtose complexe : une grande série de cas avec algorithme d’évaluation et échelle thérapeutique des topiques à la thalidomide ». J Am Acad Dermatol. vol. 52. 2005. pp. 500-8. (Proposition d’échelle thérapeutique basée sur une expérience clinique significative.)
Lynde, CB, Bruce, AJ, Rogers, RS. « Traitement réussi de l’aphtose complexe avec la colchicine et la dapsone ». Arch Dermatol. vol. 145. 2009. pp. 273-6. (Grande cohorte de patients montrant le succès de l’utilisation échelonnée de la colchicine et de la Dapsone.)
Messadi, DV, Younai,, F. « Ulcères aphteux ». Thérapie dermatologique. vol. 23. 2010. pp. 281-90. (Revue actualisée et cliniquement utile.)