Traitement endovasculaire d’un triple anévrisme paraanastomotique après reconstruction aortobiiliaire
CASE REPORT
Traitement endovasculaire d’un triple anévrisme paraanastomotique après reconstruction aortobiiliaire
Tratamento endovascular de triplo aneurisma para-.anastomótico após derivação aorto-biilíaca
Alexandre Campos Moraes AmatoI ; Andrea KahlbergI ; Luca BertoglioI ; Germano MelissanoI ; Roberto ChiesaII
IChaire de chirurgie vasculaire, Université Vita-Salute, Institut scientifique H. San Raffaele, Milan, Italie
Chef, Chaire de chirurgie vasculaire, Université Vita-Salute, Institut scientifique H. San Raffaele, Milan, Italie
Correspondance
ABSTRACT
Nous rapportons le cas d’un patient de 72 ans considéré comme inapte à la chirurgie ouverte, présentant des anévrismes paraanastomotiques des trois anastomoses, 13 ans après une reconstruction aortobiiliaire ouverte pour anévrisme aortique abdominal. Ce patient a été traité avec succès par une approche endovasculaire utilisant une endogreffe aortouni-iliaque gauche et une endogreffe tubulaire iliaque droite, suivie d’un pontage fémoro-fémoral croisé. Ce rapport illustre l’utilité d’une approche mini-invasive pour résoudre cette complication de la chirurgie aortique ouverte et discute des questions techniques liées aux dispositifs endovasculaires dans ce contexte particulier.
Mots-clés : Pseudo-anévrisme, chirurgie aortique et iliaque, réparation endovasculaire, traitement endovasculaire, anastomose, complications postopératoires.
RESUMO
Relatamos um caso de um paciente de 72 anos não considerado elegível para cirurgia aberta, apresentando aneurismas para-anastomóticos das três anastomoses, 13 anos após uma reconstrução aberta aorto-biilíaca para aneurisma aórtico abdominal. Ce patient a été traité avec succès par une approche endovasculaire utilisant une endoprothèse aorto-biiliaire gauche et une endoprothèse tubulaire iliaque droite, suivie d’un pontage croisé fémoro-fémoral. Ce rapport illustre l’utilité d’une approche mini-invasive pour le traitement de cette complication de la chirurgie aortique ouverte et discute des questions techniques liées aux dispositifs endovasculaires dans ce contexte particulier.
Mots-clés : Pseudo-anévrisme, chirurgie iliaque et aortique, réparation endovasculaire, traitement endovasculaire, anastomose, complications postopératoires.
Introduction
La formation d’un anévrisme paranéanastomotique à la suite d’une reconstruction prothétique de l’aorte infrarénale peut survenir chez 1 à 13,3 % des patients, selon la durée du suivi dans différentes séries1. Généralement asymptomatique, il peut se présenter cliniquement comme une masse pulsatile ou, plus rarement, se compliquer d’une rupture.2,3 L’histoire naturelle comprend des complications souvent mortelles, telles que l’embolisation, la rupture et l’érosion dans les organes adjacents. Le traitement chirurgical conventionnel est associé à des taux de mortalité élevés, allant de 3 à 70 %,1,2,4-6 en raison des difficultés techniques liées à la dissection à travers des sites opératoires cicatrisés antérieurs, de la mauvaise qualité de la paroi artérielle et des comorbidités fréquentes de ces patients généralement âgés.1,2,7 Pour ces raisons, l’endoprothèse vasculaire, en raison de plusieurs avantages potentiels de son approche peu invasive, représente une alternative thérapeutique attrayante à la chirurgie conventionnelle8 et sa faisabilité a déjà été démontrée.2,6,9-12
Nous rapportons le premier cas d’un patient qui a développé un triple anévrisme paraanastomotique après une reconstruction aortobiiliaire ouverte pour un anévrisme de l’aorte abdominale et qui a été traité par une approche endovasculaire.
Rapport de cas
Un homme de 72 ans a été admis dans notre service en mars 2008 pour un « triple » anévrisme paraanastomotique abdominal asymptomatique découvert lors d’un dépistage échographique. En 1995, il a subi un pontage aorto-biiliaque (16 x 8 mm, Vascutek Terumo®) en raison d’un anévrisme aorto-iliaque infrarénal. Il a été suivi régulièrement jusqu’à 3 ans après la première intervention, pour ne revenir que 13 ans plus tard. Il avait des antécédents d’hypertension, deux infarctus du myocarde antérieurs, avec un double pontage coronarien en 1990, une endartériectomie carotidienne bilatérale en 1993 et l’implantation d’un stimulateur-défibrillateur pour arythmie ventriculaire en 2005.
Aucun antécédent de fièvre ou de symptômes d’infection n’a été signalé. A l’admission, les examens sanguins n’ont montré aucune leucocytose ni aucun autre paramètre inflammatoire. Pendant le séjour préopératoire, il a subi un bilan diagnostique, notamment une échocardiographie Doppler montrant une dysfonction systolique sévère du ventricule gauche (fraction d’éjection = 35 %), un élargissement de l’oreillette gauche et une régurgitation sévère de la valve mitrale. Une tomodensitométrie (TDM) a confirmé la présence d’un anévrisme perfusé de 4,7 cm de l’aorte infrarénale au niveau de l’anastomose proximale. Des deuxième et troisième fuites ont été affichées bilatéralement aux deux anastomoses iliaques distales, fusionnant en un pseudo-anévrisme perfusé confluent de 10 cm (figure 1).
Le diamètre et la longueur du collet infrarénal aortique étaient respectivement de 22 et 16 mm ; la distance entre l’artère rénale caudale (droite) et la bifurcation du greffon aortique était de 51 mm ; le diamètre des membres du greffon était de 12 mm bilatéralement, les iliaques externes gauche et droite étaient respectivement de 11 et 10 mm. Aucune collection de fluide ou d’air périprothétique n’a été trouvée.
En raison principalement des comorbidités cardiaques du patient, la décision a été de traiter ces lésions par la mise en place d’endoprothèses vasculaires. L’intervention a été réalisée en salle d’opération et un amplificateur de brillance numérique portable a été utilisé. Les deux artères fémorales ont été exposées sous anesthésie locorégionale. Une endogreffe aorto-iliaque de 26 mm (Zenith® Renu® AAA Ancillary Graft ; WilliamCook Europe Aps) avec une extension de jambe distale de 12 mm (Zenith Flex® Ipsilateral Iliac Leg ; WilliamCook Europe Aps) a été insérée par l’artère fémorale commune gauche et déployée immédiatement sous les artères rénales, excluant l’anévrisme paraanastomotique proximal et couvrant la fuite anastomotique iliaque gauche, tout en maintenant le flux des artères rénales. Ensuite, une endogreffe tubulaire de 16 mm (Gore Excluder® AAA Contralateral Leg ; WL Gore and Assoc.) a été insérée par l’artère fémorale commune droite et déployée en couvrant la fuite anastomotique iliaque droite (figure 2).
L’angiographie de fin d’intervention a montré un positionnement correct des endogreffes, excluant les trois anévrismes paraanastomotiques, sans preuve d’endofuite. Après la procédure endovasculaire, un pontage fémoro-fémoral gauche-droit (InterGard® 6 mm annelé, InterVascular) a été réalisé. La fluoroscopie réalisée à la fin de la procédure a montré que le produit de contraste reposait toujours dans le pseudo-anévrisme distal.
Un scanner de suivi a démontré la perméabilité du greffon endogène et fémorofémoral, l’occlusion de l’artère iliaque droite, l’exclusion complète des anévrismes paraanastomotiques proximaux et distaux, sans preuve d’endofuite (Figure 3). La période postopératoire s’est déroulée sans incident et le patient a été renvoyé chez lui. Il est vivant et asymptomatique à un mois de suivi.
Discussion
La réparation à ciel ouvert des anévrismes aorto-iliaques paraanastomotiques nécessite une laparotomie, une dissection de l’aorte abdominale dans le rétropéritoine cicatriciel et souvent un clampage aortique suprarénal, entraînant un risque élevé de lésions des organes adjacents, de saignement ostensible, de complications rénales et cardiaques, avec un taux de mortalité globalement accru13. Les techniques endovasculaires présentent un certain nombre d’avantages potentiels, car elles peuvent éviter l’anesthésie générale et le clampage aortique, réduire les pertes sanguines opératoires et les besoins transfusionnels, raccourcir la durée d’hospitalisation, et enfin limiter le stress physiologique global associé à la chirurgie ouverte conventionnelle. Gawenda et al.2 ont montré que la réparation endovasculaire est sûre et efficace dans ce contexte particulier, réduisant la morbidité périopératoire et les taux de complications, comme cela a été indiqué dans des cas précédents.10,11
Néanmoins, la « solution endovasculaire » dans ces cas n’a pas encore été bien définie et doit être décidée au cas par cas, incluant différentes stratégies d’exclusion de l’anévrisme et présentant plusieurs problèmes et défis techniques. Dans le cas présenté, nous avons opté pour une exclusion aortouni-iliaque associée à une endogreffe tubulaire iliaque controlatérale du site d’anastomose, suivie d’une revascularisation fémorofémorale. Cette stratégie est utile en cas d’endogreffe aortique après implantation chirurgicale préalable d’un greffon bifurqué en Dacron, dans lequel le segment aortique « rénal à bifurcation » est trop court pour accueillir un corps principal typique d’une endoprothèse bifurquée disponible dans le commerce. Une endoprothèse aorto-iliaque a été la solution de choix. Un dispositif spécifique « convertisseur » (Zenith® Renu® Graft) avec un segment proximal large et court, suivi d’un segment iliaque long et étroit, a été utilisé afin de s’adapter à cette anatomie particulière. En outre, l’endogreffe est pourvue d’une endoprothèse nue proximale qui permet une fixation transrénale, une caractéristique très importante lorsque la longueur du collet infrarénal est critique en raison de la présence d’un anévrisme paraanastomotique proximal.
Une stratégie alternative à l’endoprothèse aortouni-iliaque aurait été d’utiliser uniquement une manchette aortique pour couvrir l’anévrisme proximal, suivie de deux autres manchettes iliaques couvrant bilatéralement les anévrismes distaux. Cette option nous semble moins durable, car la fixation d’une endoprothèse dans un greffon en polyester dépend des forces radiales ainsi que du soutien longitudinal de la colonne, qui n’est pas assuré par une seule manchette courte, ce qui entraîne un risque plus élevé d’endofuite et/ou de migration. À cet égard, Herwaarden et al. ont rapporté deux cas de conversion en réparation ouverte, en raison de la croissance de l’anévrisme dans un cas et de la rupture de l’anévrisme dans un autre ; chez les deux patients, une endoprothèse tubulaire a été utilisée pour couvrir l’anévrisme paraanastomotique13.
Une autre préoccupation soulevée par la chirurgie endovasculaire est la nécessité de couvrir les artères iliaques internes, avec le risque consécutif d’impuissance, de claudication fessière, d’ischémie intestinale et même de paralysie des membres inférieurs. Dans ce cas, en raison de l’origine complexe de l’énorme pseudo-anévrisme distal par les deux anastomoses iliaques, l’exclusion des deux artères iliaques internes a été jugée nécessaire et a heureusement été réalisée avec succès et sans complications. Comme il n’y avait aucun signe d’endofuite après tout le déploiement de l’endoprothèse, et parce qu’un produit de contraste gisant dans le pseudo-anévrisme a été observé, la procédure a été accomplie avec succès.
En conclusion, ce rapport confirme la faisabilité de la réparation endovasculaire des anévrismes paraanastomotiques, même dans des contextes complexes comme le cas de triple anévrisme décrit ici.
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