Une classe de leadership du monde antique

Pour les Grecs et les Romains de l’Antiquité, le leadership était étudié à travers des exemples. L’un des meilleurs livres jamais écrits sur le sujet, L’éducation de Cyrus de Xénophon, semble être une biographie du roi perse Cyrus le Grand. En fait, il s’agit d’un manuel d’habileté politique et de stratégie.

En décrivant comment les garçons perses étaient scolarisés, Xénophon nous dit en fait que le succès dans le leadership repose sur des qualités morales – sens de la justice, gratitude envers les autres, modération. La chasse permet de développer sa force physique. Elle prépare également le futur chef à utiliser la ruse contre ses ennemis, notamment lors des campagnes militaires. Aux yeux de Xénophon, il est déshonorant, et finalement dangereux, de traiter injustement un compatriote. Mais forcer son ennemi à se battre sur un terrain qui lui est défavorable, ou le prendre au dépourvu pendant son sommeil, peut être essentiel à la victoire. Le leader doit parfois être « un poète des stratagèmes ».

Au delà de la formation de son propre corps et de son caractère, Cyrus a développé d’autres moyens pour amener les hommes à le suivre. Les leaders ne doivent pas seulement être différents physiquement et moralement de ceux qu’ils dirigent. Cyrus pensait aussi qu’ils devaient « envoûter ». Il portait une robe éblouissante et des chaussures qui le faisaient paraître plus grand qu’il ne l’était. Il utilisait même de la couleur sous ses yeux pour qu’ils paraissent plus brillants.

Il présidait également une table de banquet somptueuse qui servait les mets les plus fins de tout le royaume. Mais il veillait à les partager avec ceux qu’il souhaitait conquérir. Acquérir des amis, croyait Cyrus, est une priorité pour un dirigeant.

Il ne faut pas s’étonner que les généraux romains, alors qu’ils ont d’abord conquis un empire puis lutté pour le gouverner, se soient gavés de l’éducation de Cyrus. Jules César n’était qu’un de ses nombreux lecteurs. Le biographe de César, Suétone, nous raconte qu’à une occasion, César lisait le passage dans lequel Cyrus, dans sa dernière maladie, donnait des instructions pour ses funérailles. César a exprimé son horreur d’une mort aussi lente. Il souhaitait une fin rapide et soudaine.

Avec l’assassinat brutal de César aux Ides de mars en 44 avant notre ère, cet espoir allait être amplement réalisé. En expliquant comment cela s’est produit, Suétone, dans son Divin Jules, le premier de ses Vies des Césars en plusieurs parties, nous donne une leçon de leadership pour compléter Xénophon.

En tant que général, César s’est montré à la hauteur de l’exemple de Cyrus. Suétone rend hommage aux pouvoirs d’endurance de César. Il pouvait marcher sous un soleil éclatant comme sous la pluie, couvrant de vastes distances à une vitesse incroyable. Il battait souvent ses propres messagers. César engageait le combat lorsque ses ennemis s’y attendaient le moins, immédiatement après une marche, même par mauvais temps. Une fois, alors qu’un camp de ses soldats était assiégé en Allemagne, César s’est faufilé à travers les lignes ennemies en se déguisant en Gaulois.

En tant que politicien, cependant, le bilan de César était, selon le jugement de Suétone, plus mitigé. César pouvait certainement envoûter. Il était grand et musclé, avec de grands yeux brillants, et il ajoutait à sa beauté naturelle en apportant un soin particulier à sa toilette. Rien ne l’affligeait plus que la perte prématurée de ses cheveux, et il fut ravi lorsqu’il obtint le droit de porter une couronne de laurier (auparavant, il devait se contenter d’un peigne). Ses vêtements audacieusement amples faisaient parler d’eux à Rome.

Caesar pouvait aussi être un bon ami. Lorsqu’un compagnon de voyage tombait malade dans une région reculée, César lui offrait le seul logement qui existait et dormait lui-même à même le sol. César favorisait ceux qui l’aidaient, même s’ils étaient d’origine modeste. Si des voleurs de grand chemin l’avaient aidé à défendre son honneur, s’est-il un jour vanté, il n’aurait pas hésité à les promouvoir.

Mais pour Suétone, ces vertus se transforment en défauts. Après être devenu dictateur, César n’a récompensé que ses propres sous-fifres en leur confiant les postes de responsabilité les plus importants. Les membres de la maison de César, par exemple, étaient chargés de la Monnaie. César a également accepté avec avidité tous les honneurs votés par un Sénat apparemment obséquieux. Certains de ces honneurs étaient traditionnellement réservés aux dieux, comme le fait de donner son nom à un mois, encore appelé juillet aujourd’hui.

Mais pour les sénateurs, César n’avait aucun respect. Il ne se souciait pas de ce qu’ils pensaient vraiment. Il ne se souciait pas du tout d’eux. Une fois, quand ils sont venus le voir pour lui présenter encore plus d’honneurs, il a même refusé de se lever pour les saluer. Selon Suétone, « c’est par cette action surtout qu’il a suscité des sentiments de haine profonds et mortels à son égard »

Suétone attribue l’assassinat de César et la terrible guerre civile qu’il a précipitée à des défaillances morales telles que le manque de justice. Les historiens ou les politologues qui écrivent aujourd’hui parleraient probablement plus naturellement des « erreurs politiques » de César. Ce faisant, ils suivent l’exemple de Machiavel dans Le Prince, le livre le plus important sur le leadership écrit à l’époque moderne, qui influence profondément la façon dont le sujet est étudié aujourd’hui.

Une relecture des classiques grecs et romains nous pousse à réfléchir davantage à ce que sont réellement les plus grandes erreurs politiques. En vérité, elles découlent souvent de défauts de caractère. Une étude de la justice devrait faire partie du programme de tout dirigeant, et des biographies comme celle de Suétone sur la liste de lecture.

Josiah Osgood est professeur et président des classiques à l’Université de Georgetown et l’auteur de nombreux livres, dont Rome et la création d’un État mondial, 150 BCE-20 BCE. Il vit à Washington, DC.