Virus des Andes
10 Vaccins et anticorps neutralisants
Il n’existe pas de vaccins ou de thérapeutiques spécifiques approuvés par la FDA pour prévenir ou traiter l’infection et/ou la maladie à hantavirus. Des études menées chez des patients convalescents atteints de SPH (infectés par le virus ANDV ou SNV) et de SRFP (infectés par le PUUV) suggèrent une corrélation directe entre la mise en place précoce d’une réponse efficace en anticorps neutralisants (AcN) et une évolution moins grave de la maladie (Bharadwaj et al., 2000 ; Pettersson et al., 2014 ; Valdivieso et al., 2006). L’efficacité protectrice des sérums hyperimmuns dans les modèles animaux et chez l’homme suggère en outre que les anticorps spécifiques de Gn/Gc provoqués par une immunisation active ou passive peuvent être utiles dans le traitement de la maladie à hantavirus (Brocato et al., 2012, 2014 ; Hooper et al., 2008, 2014a,b ; Klingström et al., 2008 ; Vial et al., 2015). Bien que de nombreuses études soulignent l’importance des AcN pour la protection contre les hantavirus, la vaccination à base d’ADNc pourrait protéger les hamsters syriens contre le virus ANDV létal en l’absence de toute activité AcN, ce qui suggère que les AcN sont suffisants mais pas essentiels (Brocato et al., 2013).
La vaccination est l’approche la plus efficace pour induire un état antiviral puissant et offrir une protection contre les infections et les maladies virales. Au cours des 20 dernières années, de nombreux candidats et modalités de vaccination ont été évalués pour leur efficacité contre les hantavirus. Depuis 1990, un vaccin HTNV inactivé par le formol et cultivé dans le cerveau de souris de lait (Hantavax™) est commercialisé en République de Corée (Cho et al., 2002 ; Yamanishi et al., 1988). Cependant, en raison de l’absence d’essais cliniques bien conçus, son efficacité clinique et son immunogénicité à long terme sont restées floues. Dans un récent essai clinique de phase III, une séroconversion élevée mais une faible génération de nAb ont été rapportées (Song et al., 2016). Une autre étude cas-témoins a observé une efficacité protectrice modérée d’Hantavax™, en particulier dans les populations à haut risque (Jung et al., 2018). Malgré la disponibilité d’Hantavax™, il existe donc un besoin clair et urgent de nouveaux vaccins contre les hantavirus plus efficaces.
Comme alternative aux vaccins inactivés, des vaccins vivants-atténués utilisant des vecteurs recombinants VSV ou adénovirus (AdV) exprimant l’hantavirus Gn/Gc ont été développés. Une injection unique d’un vecteur VSV capable de se répliquer et exprimant le virus ANDV Gn/Gc a protégé des hamsters syriens contre une provocation létale par le virus ANDV dès le troisième jour suivant l’immunisation (Brown et al., 2011 ; Prescott et al., 2014). La protection a duré jusqu’à 6 mois et la perte de protection à des points de temps ultérieurs était corrélée à une perte des réponses nAb (Prescott et al., 2014). La vaccination de hamsters 24 heures après la provocation par le virus de l’immunodéficience humaine a été largement protectrice, ce qui suggère que l’induction d’un état antiviral puissant par le vecteur recombinant lui-même a pu contribuer à la protection (Brown et al., 2011 ; Prescott et al., 2014). Les VSV à cycle unique portant le Gn/Gc du HTNV ont également conféré une protection contre l’infection par le HTNV dans un modèle de souris Balb/c non létal (Lee et al., 2006). Des vecteurs recombinants à base d’AdV humain de sérotype 5 (Ad5V) exprimant ANDV Gn ou Gc et des vecteurs recombinants à base d’AdV canin de sérotype 2 exprimant SEOV Gn ont permis de protéger des hamsters syriens et des souris Balb/c contre une infection virale létale, respectivement (Safronetz et al., 2009 ; Yuan et al., 2009). Les hamsters syriens vaccinés avec un vecteur du virus de la vaccine exprimant les protéines Gn/Gc et N du HTNV n’ont présenté aucune virémie lorsqu’ils ont été exposés au HTNV ou au SEOV, mais étaient partiellement sensibles à l’infection par le PUUV, ce qui suggère une protection croisée partielle entre des hantavirus étroitement apparentés et la possibilité de concevoir des vaccins contre les hantavirus offrant une large protection (Chu et al, 1995 ; Schmaljohn et al., 1992).
Bien que les plateformes de vaccins à base de virus se soient révélées prometteuses dans les modèles animaux, leur transposition à l’usage humain a été compliquée par plusieurs facteurs (Tatsis et Ertl, 2004). Une immunité préexistante à l’Ad5V et à d’autres sérotypes courants d’AdV pourrait réduire l’efficacité du vaccin. Ce problème peut être évité en établissant des vecteurs basés sur des sérotypes d’adénovirus humains (Barouch et al., 2004 ; Lemckert et al., 2005) ou animaux rares (Kobinger et al., 2006). Une faible efficacité du vaccin due à une immunité préexistante a également été observée avec les vecteurs basés sur le virus de la vaccine : les virus de la vaccine exprimant le HTNV Gn/Gc ont provoqué des titres d’anticorps spécifiques du HTNV chez 72 % des patients naïfs du virus de la vaccine, mais seulement chez 26 % des patients immunisés par le virus de la vaccine (McClain et al., 2000). Bien qu’il existe peu d’immunité préexistante contre le VSV dans la plupart des populations humaines, la popularité croissante des vaccins à base de VSV pourrait modifier ce scénario à l’avenir (Lévy et al., 2018 ; Regules et al., 2017 ; Suder et al., 2018).
Des vaccins sous-unitaires à base d’ADN comprenant des vecteurs d’ADNc codant pour le Gn/Gc de l’hantavirus ont également été évalués. L’immunisation de hamsters syriens avec des vaccins ADN codant pour le SEOV ou le HTNV Gn/Gc les a rendus résistants aux défis posés par le HTNV, le SEOV et le DOBV, mais pas par le PUUV, plus divergent (Hooper et al., 1999, 2001). Les vaccins à ADNc basés sur le PUUV et le SNV Gn/Gc étaient également protecteurs chez les hamsters syriens (Brocato et al., 2013 ; Hooper et al., 2013). De manière inattendue, un vaccin équivalent à base d’ADNc de l’ANDV n’était pas immunogène ou protecteur chez les hamsters syriens, malgré la production de niveaux élevés de nAb contre l’ANDV ainsi que le SNV hétérologue chez les macaques rhésus (Custer et al., 2003). Le transfert passif de sérums a conféré une protection complète aux hamsters syriens même lorsqu’il a été effectué 4 à 5 jours après la provocation par le VAND et a retardé le développement du SPH lorsqu’il a été injecté 1 jour avant la provocation (Custer et al., 2003). Dans deux études cliniques de phase I, trois vaccinations avec des vaccins ADNc exprimant le HTNV ou le PUUV Gn/Gc par délivrance épidermique médiée par des particules ont montré une immunogénicité limitée : seuls 30 à 56 % des individus ont développé une réponse nAb (Boudreau et al., 2012 ; Hooper et al., 2014a,b). L’électroporation de l’ADNc a amélioré la génération de nAb et a entraîné des réponses nAb chez jusqu’à 78 % des individus (Hooper et al, 2014a,b).
Le transfert passif d’anticorps polyclonaux provenant d’animaux immunisés avec des vaccins à base d’hantavirus Gn/Gc a conféré une protection contre le défi létal ANDV chez les hamsters syriens (Brocato et al., 2012, 2014 ; Haese et al., 2015 ; Hooper et al., 2008, 2014a,b). Il est important de noter que la transfusion passive de sérums hyperimmuns provenant de donneurs convalescents d’ANDV à des patients atteints de SPH aigus a amélioré les résultats de la maladie et que les titres d’AcN ont été trouvés en corrélation inverse avec la gravité du SPH (Vial et al, 2015), ce qui suggère que des thérapies anti-hantavirus basées sur les AcM pourraient être développées en complément des vaccins.
Pour le développement de thérapies basées sur les AcM, Garrido et al. ont isolé des cellules B mémoire spécifiques de l’ANDV Gn/Gc à partir d’un patient convalescent du SPH pour générer des anticorps IgG humains recombinants et ont évalué deux AcM puissamment neutralisants (JL16 et MIB22) pour leur efficacité post-exposition chez les hamsters syriens (Garrido et al., 2018). Tous les hamsters traités avec les mAbs, seuls ou en combinaison, à 3 et 8 jours après la provocation létale par le ANDV ont été protégés. L’un des deux AcM, JL16, a éliminé complètement le virus du poumon du hamster malgré sa plus faible capacité de neutralisation in vitro, ce qui suggère que les fonctions effectrices dépendantes du Fc des anticorps, notamment la cytotoxicité cellulaire dépendante des anticorps (ADCC), peuvent jouer des rôles dans la clairance de l’hantavirus in vivo.