Les troubles anxieux chez l’enfant
Ce qui nous amène à la question de l’étiologie
Peut-être que la façon la plus autorisée d’aborder l’étiologie de ces troubles est de se référer aux propos d’une autorité en matière de pédopsychiatrie, le Dr Boris Birmaher, professeur à l’Université de Pittsburgh (Pennsylvanie, USA), l’un des principaux centres pour les troubles anxieux chez l’enfant et l’adolescent.
« Bien que l’étiologie des troubles anxieux n’ait pas été clarifiée, des facteurs biologiques, cognitifs et environnementaux ou une combinaison des deux ont été associés à un risque accru de ces troubles » (3).
Pourrions-nous aborder brièvement chacun de ces facteurs ?
Les aspects biologiques se réfèrent principalement aux facteurs génétiques. Des études sur des jumeaux identiques confirment cette hypothèse.
D’autre part, les bases biologiques possibles seraient liées à des altérations du fonctionnement des systèmes de neurotransmetteurs du système nerveux central, principalement noradrénergiques, sérotonergiques et GABAergiques.
Cette prédisposition biologique peut être influencée par un environnement surprotecteur et appréhensif, générant de l’insécurité et/ou de la peur, déclenchant une façon exagérée, irrationnelle et catastrophique d’interpréter le monde.
Les études menées principalement sur des enfants et des adultes atteints de troubles obsessionnels compulsifs (TOC) montrent des altérations significatives des ganglions de la base et de leur connexion avec le cortex préfrontal. Ces circuits seraient fondamentalement sérotoninergiques, ce qui aura une connotation importante en thérapie.
Par ailleurs, certaines maladies qui affectent également ces circuits s’accompagnent fréquemment d’une symptomatologie obsessionnelle-compulsive (par exemple, la chorée de Syndenham, le trouble tic chronique dit de Gilles de La Tourette).
Depuis plusieurs années, on a identifié un groupe d’enfants qui ont développé une symptomatologie de type TOC quelques mois après avoir contracté une pharyngite streptococcique (4). L’hypothèse du développement d’une immunité croisée contre certains neurones des ganglions de la base a été émise. Chez certains de ces enfants, la symptomatologie a complètement disparu lorsque les anticorps ont été éliminés du sang.
Certains auteurs ont proposé certains antigènes lymphocytaires comme marqueurs de prédisposition à développer un TOC.
Quelles sont les modalités de traitement ?
Les trois piliers du traitement sont : la psychoéducation, la psychothérapie, la psychopharmacologie.
Selon ce que nous avons dit, le traitement biologique devient un outil fondamental. Les médicaments qui ont montré leur efficacité sont ceux qui agissent sur le système sérotonergique, principalement les inhibiteurs sélectifs de la recapture sérotonergique (5). A cet égard, il semble essentiel de rappeler que le traitement doit être indiqué et guidé par le psychiatre. L’utilisation de psychotropes chez l’enfant est un art qui nécessite de prendre en compte une série de connaissances qui ne sont pas seulement l’indication et le dosage, mais aussi ce que signifie pour un enfant et sa famille de recevoir une substance qui va agir sur son cerveau.
Que pouvez-vous nous dire sur l’utilisation des anxiolytiques ?
Les anxiolytiques les plus courants appartiennent au groupe des benzodiazépines. Ceux-ci agissent au niveau du système GABAergique, qui n’est pas complètement développé dans l’enfance.
Nous limitons l’utilisation des benzodiazépines chez l’enfant à des cas très spécifiques car ce sont des substances potentiellement addictives et qui ont des effets cognitifs indésirables à ce stade de développement comme l’altération du système d’attention et de mémoire.
En quoi consiste l’approche psychothérapeutique ?
De manière générale, la psychothérapie est une forme d’approche qui utilise principalement des mots pour définir et résoudre un problème particulier.
Il y a différentes modalités qui dépendent du cadre théorique, des hypothèses qui sont manipulées dans la cause de la maladie.
Dans les troubles anxieux, la modalité psychothérapeutique qui a fait preuve de son efficacité est la thérapie cognitivo-comportementale (6). Elle consiste à aider l’enfant ou l’adolescent à identifier les pensées de CR et à lui donner des stratégies pour les modifier. Cela se fait avec différentes techniques, en fonction de l’âge et des possibilités intellectuelles du patient.
Les études publiées montrent un plus grand succès avec la combinaison de médicaments et de thérapie cognitivo-comportementale que chacune de ces approches seule.
Quelle est l’issue probable en l’absence de traitement ?
Des études prospectives et rétrospectives, menées principalement aux USA, montrent un certain nombre de complications chez un pourcentage important d’enfants présentant un trouble anxieux non traité.
Les évolutions les plus fréquentes concernent les répercussions au niveau scolaire ou professionnel, socio-relationnel et émotionnel (7). À cet égard, on a constaté qu’un pourcentage très élevé d’adultes souffrant de dépression majeure avaient auparavant souffert de troubles anxieux non traités dans leur enfance ou leur adolescence. La comorbidité dépression/anxiété est très fréquente et dans la grande majorité des cas, le trouble anxieux apparaît en premier. Il ne faut pas oublier que la dépression majeure est une maladie qui met la vie en danger.
Les études indiquent une corrélation significative entre l’alcoolisme et les troubles anxieux.
Enfin, que pouvez-vous nous dire sur les aspects psychopédagogiques ?
La psychoéducation consiste à essayer de décoder des concepts qui, d’un point de vue psychologique, peuvent être d’une grande complexité conceptuelle, pour les rendre compréhensibles et les transformer en outils utiles pour aider l’enfant. Les deux groupes d’adultes significatifs pour l’enfant seront ses parents et ses enseignants. Mais à côté d’eux se trouve le point de référence médical fondamental, le pédiatre. Il est nécessaire d’avoir le soutien de tous ces adultes pour que l’approche du pédopsychiatre soit efficace.
Les données que nous avons partagées avec vous nous semblent être une étape importante dans le processus psychoéducatif.
Références
1. Anderson JC, Williams S, McGee R, Silva PA. Troubles du DSM-III chez les enfants préadolescents. Prévalence dans un large échantillon de la population générale. Arch Gen Psychiatry 1987 ; 44(1) : 69-76.
3. Birmaher B, Villar L. Troubles anxieux chez les enfants et les adolescents. Dans : Meneghello J, Grau Martínez A, eds. Psychiatry and Psychology of Childhood and Adolescence. Buenos Aires : Médica Panamericana, 2000 : 323-33.
6. Poling K. Child and adolescent anxiety : a handbook for families. 2 ed. University of Pittsburgh, 1997.
7. Mars JS. Les troubles anxieux chez les enfants et les adolescents. New York : Guilford, 1995.