L’histoire ancienne menacée de la Libye, et pourquoi vous devez la connaître

La Libye a fait l’actualité ces derniers mois, alors que les craintes augmentent quant à la sécurité de son extraordinaire patrimoine. Les trésors du pays – comme ceux de la Syrie et de l’Irak – sont peu connus en Europe, mais leur perte serait un coup dur pour notre histoire culturelle commune. Nous avons demandé à Susan Walker, présidente de la Société d’études libyennes, de présenter les sites les plus importants.

Le nom moderne de la Libye fait écho au terme grec ancien désignant le nord-ouest de l’Afrique. C’est le quatrième plus grand pays d’Afrique, bordé par l’Égypte, le Soudan, le Tchad, le Niger, l’Algérie, la Tunisie et la mer Méditerranée.

Lepcis Maga en 2010.

Lepcis Maga en 2010. Photo : Maggie Gray

Cette vaste terre, peuplée aujourd’hui de seulement six millions de personnes, abrite une histoire complexe et distinguée. Des tribus berbères afro-asiatiques vivent en Libye depuis la lointaine préhistoire. Trois villes côtières – Lepcis, Oea (Tripoli) et Sabratha – ont été fondées par des commerçants phéniciens venus du Levant, qui avaient développé un grand centre régional à Carthage, en Tunisie, au Ve siècle avant J.-C.. L’héritage phénicien (punique) reste une caractéristique du patrimoine culturel de la Libye. Sabratha, dont les bâtiments puniques et romains ont été remarquablement restaurés, se trouve à l’ouest de la capitale moderne, Tripoli. Le nom de Tripoli reflète le terme grec désignant trois villes ; ce nom a également été donné à la province romaine de langue latine de Tripolitaine.

La Libye a produit un empereur romain, Septimius Severus (r. 193-211 ap. J.-C.), qui a accédé au pouvoir lors d’un coup d’État militaire orchestré de manière éblouissante, pour succomber 18 ans plus tard au climat humide d’York. Sévère a orné sa ville natale de Lepcis – aujourd’hui appelée Magna (« la Grande ») – d’un ensemble grandiose de bâtiments publics décorés de marbres grecs. Amplement fouillée et restaurée au XXe siècle, Lepcis Magna (également appelée Leptis Magna) est le complexe urbain le plus impressionnant qui subsiste de l’empire romain.

Vue du sanctuaire d'Apollon à Cyrène

Vue du sanctuaire d’Apollon à Cyrène Photo : Professeur Susan Kane, Université d’Oberlin

L’est de la Libye a été colonisé par les Grecs au 7ème siècle avant JC sur les conseils de l’oracle d’Apollon à Delphes. Le Gebel Akhdar (montagne verte) et la côte adjacente abritaient cinq villes, avec une capitale à Cyrène, nommée d’après une nymphe tueuse de lions. À l’image de ses origines, Cyrène est Delphes transposée en Afrique, sur des collines accidentées en terrasses à 600 m au-dessus de la mer. Ses habitants utilisaient un dialecte dorique archaïque du grec et ont conservé jusqu’à la fin de l’Antiquité une passion pour leur passé lointain. Malgré une brillante carrière à Constantinople et à Alexandrie, l’évêque de Cyrénaïque, Synésius (373 ap. J.-C. – 414 ap. J.-C.), a écrit avec une nostalgie affectueuse pour sa patrie, en attendant d’être enterré parmi ses ancêtres dans leurs tombes doriques. Sous la ville moderne de Benghazi se trouvent les villes antiques d’Euesperides et de Berenice. Au sud se trouve Ajdabya, une ville romaine dotée par le califat fatimide d’une importante mosquée et d’un palais au 10e siècle.

Des réseaux commerciaux reliaient l’ancienne Libye côtière aux oasis du Sahara, qui soutenaient des communautés dynamiques. À Germa, dans le Fezzan, les Berbères Garamantes ont construit des tombes pyramidales. Gadhames, dans l’ouest de la Libye, préserve encore aujourd’hui le mode de vie traditionnel des tribus berbères qui, malgré beaucoup d’instabilité et de réinstallation, forment le noyau de la population moderne.

Tableau sans visage de Perséphone sortant des enfers. Cette figure ornait autrefois un tombeau à Cyrène (vers 350-150 av. J.-C.)

Station sans visage de Perséphone sortant des enfers. Cette figure ornait autrefois une tombe à Cyrène (vers 350-150 av. J.-C.) SLS/Cassels archive 2014.0029.

Le Dr Susan Walker est présidente de la Society for Libyan Studies, conservatrice honoraire (anciennement Sackler Keeper) des antiquités à l’Ashmolean Museum et membre émérite du Wolfson College, Université d’Oxford. Elle codirige actuellement un projet intitulé Libyan Antiquities at Risk, qui vise à développer un site web de référence sur les sculptures funéraires de Libye, très menacées par le trafic sur le marché illégal des antiquités.